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Boycott
Pourquoi je ne participerai pas au dispositif du gouvernement :

Le 05/11/2021
« Je suis psychologue
Je reçois des enfants & des adolescents
Oui, mon cabinet tourne.
Parce que j’accorde du temps à chacun de mes patients.
Parce qu’il ne suffit pas d’ouvrir la porte, d’écouter, de refermer la porte. Et d’accueillir le patient suivant.
Quand je reçois un patient,
J’ai besoin de temps pour relire son dossier,
Préparer notre rencontre.
Rechercher le meilleur outil pour permettre à cet enfant, à cet adolescent en souffrance de s’exprimer.
J’ai besoin de temps pour l’accueillir, lui permettre de rentrer dans mon bureau tranquillement, sereinement.
De temps pour d’abord prendre de ses nouvelles, le mettre en confiance, le faire sourire ou rire si il en a besoin.
J’ai besoin de temps pour aborder avec lui son mal-être, recevoir ses paroles, laisser la place aux larmes, aux cris, à la détresse, au silence.
J’ai besoin de temps, oui, pour qu’un patient arrive à s’ouvrir, à mettre des mots sur sa souffrance.
J’ai besoin de temps pour aborder le deuil, pour qu’un enfant me parle de sa maman dans la lune, de son frère dans les étoiles.
J’ai besoin de temps pour qu’un patient me parle du harcèlement subi à l’école, de la honte ressentie.
J’ai besoin de temps pour qu’un enfant dévoile un traumatisme jusqu’alors passé sous silence.
La maltraitance psychologique, physique, sexuelle ne peut être travaillée qu’avec du temps.
J’ai besoin de temps pour permettre à mes patients de verbaliser.
J’ai besoin de temps pour qu’ils acceptent que je partage leur secret avec leur famille.
J’ai besoin de temps pour qu’ils arrêtent de se sentir coupable.
J’ai besoin de temps pour leur expliquer que je vais devoir signaler, pourquoi, à qui et comment.
J’ai besoin de temps pour appeler les services concernés.
J’ai besoin de temps pour rédiger la souffrance d’un enfant et la transmettre.
J’ai besoin de temps pour recevoir les parents, et réussir à leur dire ce que leur enfant a vécu.
J’ai besoin de temps pour leur expliquer que le suivi va prendre du temps. mais que l’on va y arriver ensemble.
J’ai besoin de temps pour qu’ils me fassent confiance.
J’ai besoin de temps pour recevoir leurs larmes, leur détresse, leur culpabilité.
Quand un rendez-vous a été rude, j’ai encore besoin de temps.
Hors de question de laisser un enfant repartir dans un état de stress, de tristesse ou de colère insurmontable.
Alors je prends le temps.
Et on se crée un petit moment de bonheur, je dois lui montrer que face à toutes ses émotions négatives, il faut multiplier les bulles de bonheur.
Il nous faut du temps aussi pour ça, pour faire un concours de grimaces, de blagues carambar, ou s’allonger sur le tapis, fermer les yeux et respirer.
Il me faut du temps pour lui proposer un verre d’eau, un bonbon.
Et le choix d’un bonbon, ça aussi ça prend du temps!
Quand mon patient est parti, j’ai besoin de temps pour faire le point.
Noter, et penser au prochain rendez-vous.
Que lui proposer pour le faire avancer sans le brusquer?
J’ai besoin de temps pour faire le point sur mes appels, et rappeler un adolescent en souffrance.
Un jeune qui veut se foutre en l’air.
Un jeune dont l’agresseur vient d’être retrouvé.
Un jeune qui ne parvient pas à franchir les portes de l’école.
Un jeune qui a peur de rentrer chez lui.
J’ai aussi besoin de temps quand l’hospitalisation devient nécessaire, pour expliquer pourquoi, pour faire les démarches avec les parents. Pour rassurer.
J’aime mon métier.
J’ai choisi le libéral pour prendre le temps.
Les annonces faites pour le remboursement des psychologues ne sont pas acceptables.
Je suis pour le remboursement.
Mais pas dans ces conditions.
J’ai eu besoin de temps suite aux annonces gouvernementales pour que ma colère laisse place à la tristesse et à la peur pour notre si belle profession. »
Céline DELATTRE,
Une psychologue parmi tant d’autres,
Boycott 2022 Article de Prudence Nazeyrollas
De nombreux·ses psychologues sont en colère face au dispositif de « remboursement » annoncé par le gouvernement, car il est dangereux pour les patient·es et les psychologues, voici pourquoi :
- La prescription initiale
- Le parcours des patient·es
- Le démantèlement du service publique
- La durée des séances
- Le prix des séances
- Un remboursement qui n’en est pas un
- Le mépris affiché de notre profession
Alors que les psychologues n’avaient pas fait grève depuis plus de 10 ans, 2021 aura vu 3 manifestations et grèves de cette profession peu syndiquée et revendicative. Il a vraiment fallu exagérer pour nous motiver le 10 juin, le 28 septembre et le 18 novembre 2021.
La prescription initiale
Ce parcours débutera par une consultation auprès de son médecin généraliste (MG) qui vérifiera les conditions d’admissibilité en faisant passer un questionnaire pour savoir si la personne entre dans la case : « dépression légère à modérée ou troubles anxieux » qui sera le seul motif autorisé.
De plus, toutes les personnes ayant été concernées ou étant concernées par une addiction, une pathologie psychiatrique, des comorbidités, une consommation de psychotrope (24 derniers mois) ou de benzodiazépines (3 mois sur les 12 derniers) se verra automatiquement exclue du dispositif.
Il s’agit d’une grave discrimination en fonction de la santé physique et mentale, et d’une stigmatisation des patient·es psychiatrisées, ce qu’il est hors de question d’accepter.
Cette prescription devra ensuite faire l’objet d’une validation par la CNAM.
Le parcours des patient·es
X va voir son·a médecin généraliste (MG), qui lui fait répondre au questionnaire, il pourra l’adresser à un·e psychologue libéral·e du dispositif qui fera un premier bilan et en fera un compte-rendu au MG, qui pourra alors prescrire 7 séances selon un rythme imposé de 2 à 4 par mois, à la fin des quelles X devra retourner chez son·a MG pour être envoyé·e chez un·e psychiatre qui dira si on peut reprendre 10 séances avec le·a psy.
X ne pourra pas changer de psychologue car cela reviendra à perdre ses droits : on ne peut plus changer et être remboursé·es.
Non seulement ce parcours est compliqué, mais il implique 3 personnes au lieu d’une et unerupture de la confidentialité entre le·a psychologue et la personne accompagnée.
Le passage par les différent·es acteurs et actrices de soin, santé et d’administration n’offrent pas assez de sécurité pour les patient·es.
Quelles seront les conséquences d’un dossier médical mentionnant des antécédents psychiatriques ? Les soins seront-ils toujours aussi pertinents ou certain·es soignant·es auront-iels tendance à penser que les plaintes somatiques (du corps) sont « dans la tête » ? Faudra-t-il déclarer des antécédents psychiatriques pour les dossiers d’assurance si les personnes veulent contracter un prêt pour devenir propriétaire de leur logement ? Cela augmentera-t-il les primes ? Cela les exclura-t-elles de certaines garanties et protections ?
Le démantèlement du service publique
Depuis des années, les CMP ont des besoins d’argent, de matériel, de soignants, etc. croissants alors que les budgets sont sans cesse l’objet de coupes. Le système de santé est étranglé et suffoque et le gouvernement veut déplacer le problème sur le libéral.
Les patient·es des CMP ont besoin de l’embauche de psychologues dans les CMP, nous ne voulons pas voir nos collègues du publique avec des conditions de travail encore plus dégradées, comme nous ne voulons pas voir les patient·es ne pouvoir être accompagné·es qu’après des délais encore plus longs.
Le risque sera encore plus important pour les patient·es souffrants de maladies psychiatriques et/ou d’addictions qui seraient éjectés du système libéral, sans pour autant être accueillis dans les CMP et pourtant particulièrement à risques.
La durée des séances
La durée des séances (40’ pour la première séance de bilan, 30’ pour les suivantes), ne nous laisse plus le libre choix des outils d’accompagnement (EMDR, hypnose, etc. demandent trop de temps) et cela va directement impacter certains suivis, en particulier ceux liés aux psychotraumatismes car une fois les temps d’accueil, de clôture, de reprise de rendez-vous, il restera 15 à 20 minutes pour vraiment parler des problèmes et des solutions. C’est très court, surtout lorsqu’on sait que 96 % des psychologues pratiquent des séances de plus de 45 minutes.
Le prix des séances
Ils ne nous permettront pas de vivre de notre métier. Nous ne pouvons pas enchaîner et recevoir les personnes que nous accompagnons correctement. Généralement, nous prévoyons un temps de battement entre deux rendez-vous pour pouvoir gérer les urgences, les dépassements de temps et souffler afin de ne pas accueillir une personne en pensant encore à la précédente et avoir un œil neuf à offrir à chacun·e.
À 30€ la séance, avec un temps plein et une fois les charges retirées, on arrive à peine à un SMIC horaire, alors que beaucoup d’épuisement et d’administratif sont ajoutés.
On pense souvent que les psychologues sont bien rémunéré·es :
– Dans la fonction publique c’est 1404 € en début de carrière
– En libéral c’est 1 663€/mois en moyenne
Nous sommes une profession du care (soin) fortement féminisée et comme toutes les professions fortement féminisées, nous sommes déjà sous-payées. De plus, nous devons souvent travailler à temps partiel.
Un remboursement qui n’en est pas un
Le patient ou la patiente n’avancera pas les frais, il ne s’agit donc pas d’un remboursement, ce qui pourrait être bien pour elleux, mais met les psychologues en danger : nous ne serionsrémunéré·es qu’en fin de parcours et uniquement si tous les documents administratifs sont parfaits : aucune rature (cf image en bas de l’article) et si la prescription est bien postérieure à la date d’acceptation de la CNAM, et si tout est bien signé (si un document n’est pas bon, il devra être refait et signé à nouveau par le·a médecin, le·a patient·e et/ou le·a psychologue).
Les mutuelles prendront en charge 40 % (bien plus avantageux que ce qu’elles proposent actuellement dans certains contrats). Nos patient·es reçoivent de plus en plus de demandes ubuesques pour être remboursé·es : on nous fait imprimer les factures numériques pour pouvoir les tamponner, parfois les signer, et les scanner (écologiquement parfait pour le gâchis de papier), ajouter diverses mentions (COVID, « psychothérapie » alors que « psychothérapie ou coaching » ne convient soudainement plus, ou « psychologie », etc.), sanscompter le nombre de factures papier mystérieusement, et bien sûr accidentellement, perdues de manière répétées par les mutuelles.
Le mépris affiché de notre profession
À de nombreuses reprises nous avons alerté sur les effets pervers et dangereux du dispositif,mais nous n’avons pas été entendu·es. Les politiques ont pris ces décisions sans nous concerter, sans notre accord et malgré nos grèves et manifestations.
Notre travail ne peut pas se faire correctement en 20 ou 30 minutes et nous estimons que lesdécisions prises avec une totale méconnaissance de notre travail met en danger notre métier et à travers celui-ci, nos patient·es.
Nous sommes tout à fait à même de décider en accord avec le·a patient·e s’il y a besoin d’accompagnement ou non, nous n’avons pas besoin d’une tutelle médicale risquant de mettre à mal l’alliance thérapeutique, la confiance, et le secret professionnel.
Les psychologues ne sont pas la seule profession insultée par ce dispositif. Alors que nous étions libres d’accès et indépendant·es, on nous place sous tutelle médicale. Alors que les prescriptions des médecins généralistes n’étaient pas contestées, elles devront être validées. Et alors que les médecins généralistes et les psychiatres ont bien mieux à faire, bien plus urgent et bien plus en rapport avec leurs cœurs de métiers, iels vont devoir remplirde la paperasserie pour qu’une autre personne puisse exercer son métier et accompagner leurs patient·es.
La situation est incompréhensible, ubuesque, et kafkaïenne.
Il y a une pathologisation et médicalisation de la consultation psychologique, ainsiqu’une perte de liberté et de choix de l’accompagnant·e.
L’accès n’est ni direct (prescription), ni libre puisque le choix est restreint aux psychologues libéraux volontaires (dont le chiffre est actuellement d’un peu plus de 600 sur les plus de 20 000 psychologues exerçant une activité en libéral) et remplissant les conditions à définir. En comparaison déjà plus de 1 000 psychologues ont envoyé des mails d’alerte aux députés.
Concernant de nombreux points, ce dispositif est contraire à notre code de déontologie. Nous ne pouvons décemment pas accepter cela, et c’est pourquoi vous assistez et assisterez à un boycott massif des psychologues avec le soutien de leurs syndicats.
Je respecte mes patient·es, mon métier et moi-même, alors je boycotte ce dispositif ainsi que nombre de mes collègues.